Annoncé en juillet 2021 en suscitant beaucoup d’espoir, le « revenu jeune » qui devait être le prolongement de la Garantie Jeune en l’élargissant à tous les jeunes précaires, s’est transformé en fin de l’année 2021, après maints arbitrages budgétaires, en « Contrat engagement jeune ». Toute la philosophie, qui consistait à tenir compte des constats faits pendant la pandémie qui ont révélé la pauvreté et la précarité d’une grande partie de notre jeunesse, a été mise à mal. Ce CEJ, par la contrainte et les sanctions va plutôt dans le sens de stigmatiser, de contraindre, voire de contrôler les jeunes qui sont déjà en grande difficulté.
La contrainte se porte aussi sur notre réseau des Missions locales qui sont mises en concurrence avec principalement le Pôle emploi, mais aussi d’autres opérateurs potentiels. On peut se demander ce qui se passe dans la tête de nos gouvernants quand ils décident de mettre en concurrence deux opérateurs du Services Public de l’Emploi (SPE) qui mettent en œuvre leurs politiques publiques ?
Encore, si la mise en concurrence était loyale, mais non. Les objectifs, les durées des contrats, seront les mêmes pour les deux opérateurs principaux : à Pôle emploi les jeunes plus prêts de l’emploi, aux Missions locales ceux qui rencontrent le plus de freins à l’emploi... La Garantie Jeunes s’adressait à des jeunes très en difficulté, en particulier à pouvoir tenir des contraintes... avec un accompagnement déjà intensif. Qu’est-ce qui va pouvoir être proposé aux jeunes qui ne tiendront pas dans le dispositif encore plus contraignant du CEJ ?
D’un côté, on reconnait l’expertise de notre réseau pour suivre les jeunes les plus difficiles, mais dans le SPE, nous sommes tout de même les moins bien payés. Nous prouvons depuis quarante ans notre savoir-faire à moindre coût, mais c’est sans doute encore de trop pour ce gouvernement pour qui les plus vulnérables de notre société ne sont qu’une dépense. (Cf « le pognon de dingue dépensé pour les aides aux pauvres » vidéo Emmanuel Macron).
Comme ce gouvernement a mis quelques mois à se décider pour enfin sortir le CEJ, on aurait pu penser que tout était prêt et toutes les réponses « techniques » apportées. Cela semble être le cas pour Pôle emploi qui, dès décembre 2021 connaissait son budget, ses effectifs supplémentaires, la formation pour ses
agents, etc. Pour les missions locales, c’est ce 8 février que la parole ministérielle va apporter des réponses, enfin, c’est ce qu’on espère pour un démarrage le 1er mars...
Pourquoi maltraiter ainsi notre réseau ? Pourquoi changer la GJ en CEJ sans en avoir fait un bilan ?
La GJ satisfaisait aux besoins des jeunes, à un accompagnement intensif, déjà à un contrôle basé sur des droits et des devoirs. Les textes actuels se réapproprient notre savoir-faire, nos éléments de langage élaborés au fil du temps, en faisant passer nos décideurs actuels pour les créateurs de l’accompagnement global, alors que c’est Bertrand Schwartz qui a inventé cette façon d’aborder les jeunes en difficulté en septembre 1981 et que se sont bien les Missions locales qui la mette en œuvre depuis cette date !
Dommage que le sort des jeunes soit instrumentalisé avant des élections majeures au lieu de préparer effectivement leur avenir de façon sereine, en fonction de leurs besoins et pas de celui des candidats.