
Secrétaire Général
Synami CFDT
"Les missions locales ont besoin de recruter dès maintenant. Or les moyens supplémentaires sont inscrits au PLF 2021", déclare à AEF info Jean-Michel Mourouvin, secrétaire général du Synami CFDT. Il demande aux collectivités locales d’aider les structures "à trouver des locaux plus grands, le moins cher possible", pour que les moyens servent à recruter. Le Synami CFDT a "envie que le plan Jeunes réussisse" et appelle à "ne pas imposer des parcours types" qui nuiraient à l’accompagnement. Jean-Michel Mourouvin regrette toutefois que le gouvernement n’ait pas annoncé de RSA pour les jeunes et estime que le Pacea aurait pu être "un bon support". Le syndicat renouvelle sa demande d’abandon de la CPO car elle ne "reflète pas le travail des missions locales". Le secrétaire général soutient l’obligation de formation pour les 16-18 mais a "quelques inquiétudes" sur sa mise en œuvre.
AEF info : L’obligation de formation se met en place, depuis la rentrée. Que pensez-vous de cette mesure et de son déploiement ?
Jean-Michel Mourouvin : Tout dispositif qui permet une prise de contact avec un jeune qui pourrait être décrocheur nous intéresse. Les 16-18 ans sont des jeunes qu’il faut aller chercher, pour ne pas les laisser trop longtemps sans solution. Dans la réalisation, nous saluons la mobilisation des acteurs, notamment celle de l’Afpa qui a fait des propositions. Nos collègues de l’Afpa ont des infrastructures, une vraie capacité à mobiliser, même s’ils ont souffert ces dernières années. Ce qui est proposé est intéressant, avec de l’accompagnement, une acquisition de compétences mais aussi du temps de découverte.
Prendre le temps est essentiel et nous avons quelques inquiétudes à ce sujet. Les 16-18 ans ont besoin de temps, peut-être encore plus que les autres jeunes. Il y a une immaturité, un besoin de découvrir le monde hors scolaire et d’expérimenter. Nous craignons que les donneurs d’ordre, notamment l’État dans le cadre du plan Jeunes, ne cherchent à obtenir des résultats immédiats. Un jeune qui démarre avec un partenaire peut s’investir quatre mois dans son parcours, puis disparaître. Lorsqu’il revient, nous recommençons, parfois deux ou trois fois. Ce n’est pas un échec.
Notre deuxième inquiétude concerne un risque de tensions avec les partenaires s’ils avaient des impératifs de retour sur investissement. Si certains ont des contraintes de volumétrie, ils peuvent être amenés à reprocher aux missions locales de ne pas orienter suffisamment de jeunes par exemple. Or, en mission locale, nous n’allons pas obliger les jeunes à suivre tel ou tel parcours. Il peut y avoir une volumétrie de départ. Mais il faut accepter de ne pas atteindre ce nombre de jeunes et tout ne peut pas se faire tout de suite.
Enfin, nous sommes inquiets des sanctions pour le jeune. S’il ne remplit pas son obligation, il peut être signalé au président du conseil départemental. Cela ne nous convient pas. Nous ne sommes plus dans une relation de confiance mais dans une relation de surveillance. Ce n’est pas l’esprit des missions locales et cela suscite une résistance dans le réseau. En outre, nous ne savons pas ce que fera le président du conseil départemental avec une telle information. Rappelons que le président du conseil départemental peut supprimer des aides aux familles.
AEF info : Le PLF 2021 prévoit l’octroi de 100 millions d’euros supplémentaires pour financer des ETP et des dépenses de fonctionnement en missions locales, via le plan de relance. Êtes-vous satisfaits de cette annonce ?
Jean-Michel Mourouvin : Nous saluons, bien sûr, le renforcement des effectifs en missions locales. Nous estimons que cela représente entre 1 400 et 1 600 postes en mission locale. Il faut que les collectivités locales nous aident à trouver des locaux plus grands, gratuits ou le moins cher possible. Il faudra, en effet, de l’espace pour accueillir des conseillers et des jeunes supplémentaires. Il est primordial que les moyens servent à recruter et non à trouver des locaux. De même, les missions locales ont besoin de recruter dès maintenant. Or les moyens supplémentaires sont inscrits au PLF 2021. Il aurait fallu débloquer dès maintenant les aides à l’accompagnement. Les seules aides du plan de relance déjà disponibles sont celles qui concernent les entreprises.
AEF info : Quelle appréciation portez-vous, globalement, sur les mesures annoncées dans le cadre du Plan jeunes ? À commencer par le renforcement du nombre de parcours en Garantie jeunes et en Pacea ?
Jean-Michel Mourouvin : Il s’agit surtout de renforcement de dispositifs existants ou d’aides aux entreprises. Il y a très peu d’idées nouvelles. Ce n’est toutefois pas un problème pour nous, à condition que nous puissions mobiliser les dispositifs en fonction des besoins. Il ne faut pas nous imposer des parcours type. Nous avons envie que ce plan Jeunes réussisse. L’augmentation du nombre de parcours est une bonne nouvelle. Les missions locales vont pouvoir accompagner davantage de jeunes
potentiellement en difficultés et mobiliser des moyens autour d’eux, sous réserve de disposer des moyens et des capacités pour le faire. Nous regrettons, néanmoins, que le gouvernement n’ait pas annoncé un droit à l’accompagnement, assorti d’une allocation. L’enveloppe du Pacea ne répond pas aux enjeux de pauvreté pour la jeunesse. C’était l’occasion de le transformer : le Pacea aurait pu être le bon support pour un RSA destiné aux 18-25 ans, au moins à titre expérimental. Il aurait alors fallu augmenter le montant de l’allocation mais aussi sa durée.
AEF info : Souvent, dans les débats autour du RSA jeunes, c’est la Garantie jeunes qui est évoquée et non le Pacea…
Jean-Michel Mourouvin : La Garantie jeunes est utile mais elle concerne 100 000 jeunes sur les 1,4 million que nous recevons en mission locale. Le Pacea permet de toucher davantage de jeunes. D’ailleurs, je rappelle que la Garantie jeunes est une des modalités du Pacea.
AEF info : Comment jugez-vous les mesures de soutien à l’apprentissage dans le Plan jeunes ?
Jean-Michel Mourouvin : Ce soutien à l’apprentissage est nécessaire. Il y a beaucoup de jeunes intéressés et qui ont du mal à trouver une entreprise. Il fallait donc des aides mais nous regrettons qu’elles ne concernent que les entreprises, sous la forme d’une aide financière. L’aide aurait aussi pu être portée sur les jeunes euxmêmes, afin de rendre leurs CV plus attractifs. On aurait pu imaginer des aides aux permis, aux qualifications, aux Caces…
AEF info : Ce plan marque aussi le retour des contrats aidés. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Jean-Michel Mourouvin : Je préfère dire les contrats accompagnés. Nous refusons la critique selon laquelle les contrats aidés n’apportent rien. Il faut plutôt se demander qui va sur ces contrats aidés ? Est-ce que cela remet le pied à l’étrier ? Est-ce que cela permet une qualification ? Le gouvernement est frileux à l’idée
d’être décrit comme celui qui remet en place les contrats aidés. C’est dommage mais dans les faits, cela ressemble un peu à un retour de ces contrats.
Sur les PEC, nous sommes circonspects. Nous n’avons pas eu de bilan. Nous sommes, en revanche, défenseurs des emplois d’avenir. Nous aurions souhaité que le gouvernement ait la bonne idée de les remettre en place.
AEF info : Le Synami demande l’abandon de la CPO conclue entre les missions locales et l’État. Pourquoi ?
Jean-Michel Mourouvin : La CPO ne reflète pas le travail et les missions que doivent avoir les missions locales. Elle se concentre sur la mécanique technique.
Actuellement, se déroule le dialogue de gestion, dans les Direccte. Or les services déconcentrés de l’État sont focalisés sur cette CPO, sans prendre en compte le contexte sanitaire. Il y a une pression sur les missions locales qui craignent de perdre des financements. Comme je le disais, il faut pouvoir embaucher le plus tôt possible. Or les missions locales ne vont pas engager des recrutements si elles craignent pour leurs ressources. Nous avons donc dit au ministère que cela représentait un risque d’échec du Plan jeunes. Avant de parler de suppression, que nous demandons, nous plaidons pour un moratoire de la CPO : les missions locales récupèrent leurs subventions et se concentrent afin d’être prêtes le plus vite possible pour accueillir un nombre de jeunes supplémentaires. J’ajoute qu’il n’y a pas que la CPO nationale mais aussi les déclinaisons régionales. Les règles de financement, par exemple dans les Hauts-de-France ont aussi des conséquences (lire sur AEF info).
Beaucoup de régions ont des modèles de ce type et nous le regrettons.
AEF info : L’accord classification (avenant 65) a été étendu par le ministère du Travail (lire sur AEF info). Vous l’attendiez…
Jean-Michel Mourouvin : Oui, nous sommes très contents. Nous avons, depuis plusieurs années, porté ce combat pour un accord relatif au classement professionnel. Il a été signé mi-2019 et nous attendions son extension. Le plus dur commence désormais, il faut faire reconnaître les compétences des salariés. Nous appelons à appliquer cet avenant à l’ensemble des nouveaux arrivants qui vont être recrutés. Les missions locales ont normalement un an pour mettre en œuvre cette classification. Mais avec la dynamique en cours, les budgets, nous espérons qu’elles ne temporisent pas.
AEF info : Comment se passe le travail dans les missions locales en cette période d’épidémie ? L’organisation, le télétravail…
Jean-Michel Mourouvin : Globalement, lorsque les personnes se rendent sur site, cela se passe bien. Il peut y avoir, dans certaines structures, un durcissement lorsque nous commençons à reparler du télétravail. Certains employeurs considèrent que le télétravail est une chance pour le salarié qui doit donc utiliser son ordinateur personnel, son électricité. Ce n’est pas acceptable. Le gouvernement a appelé les entreprises à définir un nombre de jours minimal de télétravail par semaine et à étaler les horaires d’arrivée et de départ au travail. Nous allons étudier les déclinaisons et le protocole. Nous souhaiterions, a minima, avoir des recommandations de branche pour négocier au niveau local, avant d’aborder le télétravail dans le calendrier de négociation en 2021.
Jean Michel Mourouvin
Secrétaire Général
Synami CFDT