Nous arrivons fin juillet, et nous ne savons toujours pas si ce progrès, la plus importante conquête sociale depuis des années dans les ML, va s’appliquer. En effet, 3 syndicats sur 5 ont déjà signé, comme ils l’avaient annoncé, mais un droit d’opposition majoritaire, comme la dernière fois, est encore possible (contrairement à ce que nous avions cru, cf la note en fin d’article). En l’absence de communication des 2 syndicats manquants, CGT et FO, majoritaire ensemble, ce mauvais suspense continue.
Comment peut-on être dans une telle situation ?
Petite explication des règles du dialogue social :
1. La phase de négociation
Les organisations syndicales viennent avec leurs revendications, les employeurs avec ce qu’ils sont prêt à faire bouger. Au bout d’un certain temps, imprévisible, et un niveau de bagarre ou de consensus très variable, s’il y a une possibilité d’accord, les employeurs posent le texte qui matérialise le compromis qu’ils sont prêt à signer et qui modifiera la Convention Collective Nationale (CCN). C’est un Avenant à la CCN, il y en a déjà eu une cinquantaine.
Évidemment, cela n’a de sens que si les employeurs seront signataires et pensent que des syndicats salariés pourraient s’engager. Le Synami-CFDT a la pratique d’annoncer dans les négociations où sont ses priorités, quelles sont ses zones de compromis, les points durs où il ne bougera pas ou ceux qui seront inacceptables. Ses négociateurs ont en effet en préalable un mandat de négociation (par les instances représentatives du Synami), savent ce qu’ils veulent obtenir et jusqu’où ils peuvent s’engager (les textes à la négociation sont évidemment transmis avant les séances de négo). Ils peuvent ainsi jouer totalement le jeu de la négociation, parler clairement aux employeurs et disposent de marges de manœuvre. Si le résultat de la séance de négo est imprévu (ça peut arriver), l’instance politique du Synami-CFDT (son conseil syndical national, une trentaine de membre représentant nos sections régionales et le bureau national) est re-saisi pour décider de notre position. Il nous est arrivé également de consulter l’ensemble de nos syndiqués sur des avenants ayant une très grande portée pour les salariés, ou s’il est difficile de peser le pour et le contre dans un projet d’accord.
D’autres organisation syndicales (en particulier la CGT) refusent elles systématiquement d’annoncer en négociation si le compromis final qui est proposé leur conviendrait ou si elles s’y opposeront. On ne le découvre donc que lors de la phase de signature ou d’opposition, sauf s’ils communiquent avant, ce qui est rare, et serait pourtant plus intéressant pour les salariés que moult communiqués d’information qu’on voit passer.
Pour cet avenant améliorant la prise en charge des carences maladies, après l’opposition par la majorité syndicale CGT/FO/CFTC qui avait annulé l’accord de 2012 (3 carences par an au lieu d’une), le Synami, avec cette fois la CFTC et la CFE-CGC, avait renégocié une amélioration lors de la négociation d’avril 2013. L’UNML avait alors accepté 4 prises en charge par an, sur une période expérimentale plus courte (16 mois au lieu de 2 ans). L’avenant concrétisant ce compromis a ensuite été transmis à toutes les organisations syndicales et était à l’ordre du jour de la négociation de juin 2013.
2. La phase de signature
Lorsque la négociation est close (quand les employeurs indiquent qu’ils ne bougeront plus sur le projet d’accord), l’avenant est mis à la signature, en général durant un délai d’un mois.
Sur l’avenant carence, l’UNML a annoncé mettre l’avenant à la signature du 1er au 31 juillet. Le Synami-CFDT, la CFTC et la CFE-CGC ont annoncé qu’elles seraient signataires (ce qui est fait). Ni la CGT, ni FO, n’ont annoncé leur position, ne l’ont toujours pas fait et n’ont pas signé à ce jour (si tant est qu’ils en aient l’intention)
Pour qu’un accord soit valable, il faut que le ou les signatures représentent au moins 30% des salariés.
Attention cette représentativité est calculée sur les élections des représentants du personnel sur liste syndicale au 1er tour. Ce n’est pas celle du référendum de représentativité organisé dans la branche tout les 3 ans, où le Synami avait obtenu 54,66% des voix avec un vote de 8 900 salariés (la CGT 31,67%, la CFTC 7,18%, FO 6,49%, la CGC ne se présentait pas).
Sur cette représentativité aux Dp, calculée sur 2 fois moins de votant (4 600 votes), les résultats sont :
- Synami-CFDT : 46,33%
- CGT : 41,98%
- FO : 8,25%
- CFTC : 2,96%
- CFE-CGC : 0,47%
Pour qu’un accord soit valable, il faut donc obligatoirement au moins la signature du Synami-CFDT ou celle de la CGT (ou des deux bien sûr).
3. La phase d’opposition.
Une fois le délai de signature clos, les partenaire sociaux non signataires reçoivent la notification de l’accord. Ils ont alors 8 jours pour signifier leur opposition s’ils le souhaitent. Pour qu’une opposition se réalise, il faut que les syndicats opposant représentent au moins 50% des salariés. Si c’est le cas, l’accord est cassé, il n’existe pas.
Pour ce nouvel avenant carence, il est donc possible qu’il soit cassé si la CGT et FO, qui font à eux deux 50,23%, font opposition. Ça nous paraîtrait fou, mais cela s’est déjà passé en 2012, tout est donc possible, d’autant plus que ce projet d’accord est tout de même très proche de l’ancien qu’ils avaient jeté.
On est donc parti pour attendre mi-août pour savoir si cette avancée considérable se mettra en place en septembre.
Allons-nous aboutir ? Mystère !
Nous n’avons de leçon à donner à personne, chaque organisation syndicale agit comme elle l’entend, c’est le problème de ses adhérents, et ce sont les salariés, par leurs votes ou leur adhésions, qui jugent.
Mais cet avenant carence est le plus grand progrès social dans le réseau depuis des années. Pour des milliers de salariés, qui n’ont pas d’accord local plus favorable, il peut représenter des centaines d’euros économisés : 3 jours de maladies non payés, faites le calcul, ça fait mal sur les fins de mois, c’est la plus grande injustice dans ce réseau.
On ne sait pas trop quelle plaisir retire les organisations syndicales qui jouent le mystère sur leur positions et le suspense sur leurs décisions. Peut-être pensent-elles que cela leur donne du pouvoir ? Mais elles devraient également penser que leurs décisions n’engagent pas que leurs adhérents, mais aussi des milliers de salariés, comme ce sera le cas sur cet avenant.
Nous n’avons pas la prétention de vouloir peser sur leur décision, qui est de toute façon évidemment déjà prise vu les délais, et qui est sûrement très démocratique. Mais si par malheur, une nouvelle opposition empêchait de nouveau un progrès social, il faudra bien se poser la question de l’intérêt des négociations nationales sur la convention collective. A quoi servent-elles si chaque fois que nous faisons plier l’UNML pour arracher une avancée, celle-ci finit à la poubelle ? Faut-il maintenant considérer que la convention collective est gelée pendant plusieurs années, qu’il n’y a plus aucun espoir d’amélioration ? Nous le saurons dans moins de 3 semaines, quand nous découvrirons enfin la sentence des syndicats majoritaires. Le Synami-CFDT, d’une manière ou d’une autre, en tirera les conséquences.
Quelques uns des nombreux articles relatant ce feuilleton de la carence
ML, prise en charge des carences maladies : une résurrection serait possible.