Après 18 mois de crise interne et le départ de la grande majorité des communes qui adhéraient à la structure, le Tribunal d’Instance de Metz vient de prononcer mercredi 30 mai, sans surprise, la liquidation de la Mission Locale de Woippy.
Un événement sans précédent
Certes, la vie du réseau n’a pas été un long fleuve paisible depuis 30 ans ; nous avons failli être supprimé deux fois, les diverses recompositions et fusions n’ont pas toujours été sereines entre territoires et élus, les conflits internes violents n’ont pas manqué, nous vous en informons régulièrement.
Pourtant, depuis 1982, une seule mission locale avait déjà connu une fermeture, celle de Garges-les-Gonesses (95) en 2004, avec 15 licenciements à la clef et 2 500 jeunes se retrouvant sans structure d’accompagnement. Il s’agissait là avant tout d’un problème économique (la ML était en faillite financière) avec un conflit, très dur, sur les conditions de reprise du territoire et des salariés par la ML voisine. Cette situation, déjà sans précédent, nous l’avions débloqué, le Synami et les salariés avaient imposé la réouverture et l’annulation des licenciements. La fusion avait pu ensuite se faire avec la reprise des salariés et un retour rapide du service aux jeunes.
Ce qui se passe à Woippy est pourtant d’une nature bien différente et bien plus grave. C’est la première fois que l’on voit un sabordage volontaire (« Le sabordage (ou sabordement) est un terme de marine désignant le fait de couler volontairement un bateau par l’équipage qui le contrôle »), si bien réussi qu’il se traduit par la disparition totale de la structure et de son action locale.
C’est un choc ! Malgré la place incontournable des ML, que presque plus personne ne conteste, une ML peut donc disparaitre corps et bien et ses services aux jeunes passés par pertes et profits. Près de 3 000 jeunes se voient maintenant refuser un accompagnement vers l’insertion social et professionnel et l’accès aux mesures de droit commun (aides, formation professionnelle, etc.…). Imagine-t-on par exemple un territoire entier sans accès aux services de la CAF ou de Pôle-Emploi ?
Comment a-t-on pu en arriver là ?
Devant un tel désastre, personne ne peut s’exonérer de ses responsabilités.
Une équipe qui conteste son management, c’est somme toute assez banal, nous aurions des dizaines et des dizaines d’autres exemples. Mais jamais un conflit de ce type n’avait déclenché la liquidation de la structure. En général, cela se solde par un départ de la direction, par une remise au pas de l’équipe (et beaucoup de départs) ou par, de temps en temps, des dynamiques d’apaisement et de compromis qui font que, dans la durée, la situation se normalise.
Nous avions rendu compte de ce conflit là, y compris en donnant à lire ou à écouter ce qu’en disait les acteurs, la CGT, la direction et le Président. Chacun a pu constater ce qui a fait l’exception de Woippy : l’ampleur et l’impasse de son conflit, la violence symbolique et verbale, une forme de « mutinerie » de « l’équipage » reléguant les « officiers » dans leur pré-carré et pour conclure la décision du « capitaine » et des « armateurs » de considérer le navire comme perdu et devant être coulé.
Le Maire de Woippy a fini par prendre une décision inouïe en organisant les conditions de la liquidation. Le Synami-CFDT condamne avec la plus grande fermeté son action, on n’a pas le droit de "régler" un conflit social en liquidant la structure et abandonner les jeunes du territoire.
Mais il faut aussi rappeler qu’il n’est pas seul et que c’est la majorité des communes, toutes couleurs politiques, gauche et droite confondus, qui s’est désengagée de la ML. Comment a pu se nouer une situation qui amène les élus locaux à « fuir » la structure ?
Le "petit jeu" de qui est responsable va maintenant se déchainer, chacun s’accusant déjà depuis un moment des pires turpitudes ou arrières pensées.
Pour la partie salarié, les organisations syndicales ne peuvent pas faire l’économie d’un examen de conscience sur leurs actions face à un résultat aussi catastrophique qui se solde par la disparition de l’outil de travail pour les salariés et de l’outil d’insertion pour les jeunes. Entre ’l’excitation insurrectionnelle" qui a été à l’oeuvre (occupations jours et nuits, blocage des stats parcours, violentes diatribes dans la presse locale, et on en passe) et la contestation systématique de la légitimité de la partie adverse, insultée dans toutes les communications, il ne pouvait pas y voir de dialogue et de compromis, surtout sans revendication lisible. La seule dénonciation de la direction, s’appuyant sur un violent rejet personnel, ne fait pas une stratégie syndicale. Déclencher un tel conflit, "à la mort", pour contrer la promotion de 3 salariés, cela pose tout de même de sérieuses questions de maturité et de responsabilité. Ajoutons, pour montrer la "maitrise" de ce conflit, que lors de la 1ère audience de liquidation, le délégué du personnel CGT interrogé par le tribunal a préconisé....la liquidation de la structure !
Et maintenant ?
Même si elle restera isolée et exceptionnelle, cette affaire n’a pas fini de faire des vagues et chacun doit en tirer des leçons.
A court terme, traiter l’urgence.
La décision du tribunal à un effet immédiat : l’activité de la ML cesse immédiatement, les 17 salariés seront licenciés dans les 12 à 15 jours qui viennent.
L’urgence pour les jeunes
C’est le rétablissement du service aux jeunes. Le Maire de Woippy s’active visiblement auprès d’autres communes pour établir une nouvelle structure. Il y a urgence, combien de temps les jeunes du territoire peuvent rester sans accompagnement ?
Sur ce terrain, la CFDT interviendra auprès du Maire de Woippy, des élus des autres communes concernées, de la Région et de l’Etat. Nous proposerons une médiation d’acteurs neutres pour faciliter et accélérer les choses.
Pour les salariés
Ce n’est pas fini, vu la brutalité de la "solution", tant sur le fond que dans la forme, un certain nombre de contentieux juridiques verront sans doute le jour et des actions « musclées » sont annoncées. Considérant notre désaccord profond avec la manière dont s’est déroulé ce conflit, qui était d’abord l’affaire de la très grande majorité des salariés CGT, le Synami n’a pas voulu être actif dans ce champ de bataille, notre intervention n’aurait fait que rajouter un nouveau champ d’affrontement, cette fois entre syndicats (il suffit de voir les invectives dont nous avons déjà été abreuvé par cette section syndicale). Cela n’aurait aidé personne. Nous le pensions, et cela reste sans doute juste, mais au vu du désastre, nous nous tenons néanmoins à disposition pour négocier des solutions, personne ne doit se retrouver privé d’emploi, tous les salariés doivent pouvoir trouver une solution de reclassement.
A long terme, plus jamais ça !
Ce conflit hors norme avec son dénouement hors norme ne doit jamais se reproduire. Si la vie de nos structures est profondément locale, il a de toute évidence manqué une capacité d’intervention et de médiation externe.
Pour les salariés, c’est aux organisations syndicales d’être en appui pour les accompagner mais aussi donner du recul et éviter les impasses.
Pour les directions comme pour les Présidents, où est également cette capacité à prendre du recul, celle qui aide à faire comprendre les impasses, les dysfonctionnements, et accompagne pour trouver des solutions "honorables" pour tous et sortir d’un conflit par le haut ?
Le Synami-CFDT dialoguera avec les acteurs nationaux et régionaux du réseau pour que plus jamais un naufrage annoncé et prévisible comme celui de Woippy ne se reproduise.