L’élection présidentielle a vu la victoire du candidat qui a déclaré vouloir faire de la jeunesse une priorité de son action. Cette situation ouvre une perspective pour tirer de la recherche action que nous avons conduite les principaux enseignements qui peuvent éclairer comment cette priorité peut se traduire dans l’action publique.
Pour aller à l’essentiel, je mets en avant deux axes.
I. Les jeunes ne sont pas un problème mais une ressource
II. Les missions locales doivent être sur chaque territoire le vecteur par lequel les jeunes s’expriment et agissent avec l’appui de professionnels
I. Les jeunes ne sont pas un problème mais une ressource
Cette formule est souvent utilisée, mais l’on n’en tire généralement aucune conséquence. Le positionnement du président élu en est malheureusement un nouvel exemple. Le contrat de génération s’inscrit dans la suite de toutes les mesures prises depuis plus de trente ans, puisque la logique sous-jacente est que l’embauche d’un jeune est un problème pour les entreprises et qu’il faut donc leur donner en échange une compensation. On est par ailleurs toujours dans la logique où l’homme politique prétend disposer de la solution pour les jeunes. Quand, en retour, on entend les jeunes dire : « Espérons qu’il ne va pas nous décevoir et qu’avec lui au pouvoir nous aurons rapidement des emplois », on est inquiet, car bien évidemment le président n’a pas la solution. Car la solution passe par les jeunes eux-mêmes et pour une part aussi par tous les adultes qui portent sur eux un regard négatif et ne sont pas prêts à leur donner leur chance et leur place.
Notre recherche action a montré que les jeunes ont beaucoup à dire et que dans certaines conditions ils savent le dire ; qu’ils veulent agir ; qu’ils recherchent avec les élus un « partenariat ». Les responsables politiques, et au premier rang d’entre eux dans notre pays le Président, doivent d’abord écouter les jeunes. J’aurais rêvé qu’un des premiers déplacements du nouvel élu soit d’aller dans un de ces fameux quartiers ou des ces zones rurales délaissées pour rencontrer des jeunes, non pas pour leur présenter son merveilleux programme, mais pour les écouter.
Et pour leur dire : Je ne peux rien sans vous. J’ai besoin, non pas de votre soutien, mais des initiatives que vous pouvez prendre pour trouver des solutions aux problèmes que vous rencontrez. Et dans toute la mesure de nos moyens, nous vous aiderons pour réussir ce que vous entreprenez.
Toutes les « mesures » doivent dans cette logique ne pas servir à compenser un problème posé par les jeunes, mais devenir un appui aux projets qu’ils peuvent porter. Ce principe général demande bien sûr à être décliné, mais on le trouve déjà à l’œuvre dans le service civique ou dans les ex emplois-jeunes (nouveaux services/nouveaux emplois). C’est ce sillon qu’il faut continuer de tracer, y compris dans le secteur privé dans des conditions bien sûr à définir.
II. Les missions locales doivent être sur chaque territoire le vecteur par lequel les jeunes s’expriment et agissent avec l’appui de professionnels
Le principal enseignement de la recherche action c’est que l’on peut mettre en œuvre un rapport différent entre les jeunes et les professionnels qui travaillent avec eux.
Si on la définit négativement, cette relation n’est pas
· La distribution d’une aide sociale
· Ni même la délivrance d’un conseil
· Ni même un rapport éducatif
· Ni même un rapport d’animation
Les jeunes parlent de partenariat, les professionnels d’accompagnement ou mieux de co-construction.
Positivement, cette relation est
· Une relation d’égalité. En ce sens les jeunes sont définitivement considérés comme des adultes
· Une relation centrée sur les jeunes, sur ce qu’ils ont à dire, sur ce qu’ils peuvent faire eux-mêmes
· Une médiation entre les jeunes, pour faciliter la constitution et la vie du collectif
· Une médiation entre les jeunes et la société. Pour l’accès aux droits, mais aussi pour la compréhension de la façon dont la société fonctionne. Pour ouvrir les portes qui spontanément leur sont fermées.
Il y a donc une cohérence entre la première partie (les jeunes comme ressource) et celle-ci.
Dans cette perspective les missions locales retrouvent les fondamentaux qui ont inspiré leur création.
· Elles sont, pour un territoire, la maison des jeunes, non pas pour la culture et les loisirs, mais pour l’insertion, si on donne à ce mot son sens général de prendre sa place dans la société.
· Elles s’adressent à tous les jeunes, quelque soit leur statut, qui sont dans la période où ils veulent prendre leur autonomie.
· Leur objectif est d’offrir aux jeunes un cadre et un soutien pour qu’ils s’expriment sur leur place dans la société et pour qu’ils agissent pour surmonter les obstacles qu’ils rencontrent pour prendre toute cette place.
· Elles animent le réseau des professionnels du territoire travaillant avec des jeunes
· Leur instance d’orientation (conseil d’administration) est le lieu où les différents responsables du territoire qui travaillent avec les jeunes se concertent sur ce qu’ils peuvent faire ensemble pour prendre en compte ce que disent les jeunes et soutenir la réussite de leurs projets.
· Elles restent pilotées par les élus locaux. L’Etat et les régions n’en font pas un instrument de leur politique, mais le lieu où ils peuvent se concerter avec les élus.